J.S.Bach 6 suites pour violoncelle seul

Enregistrement public au Yumeria- Hall. Shin-Totsukawa Japon
Date : 31 juillet et 1er août 2004
Directeur: Takashi Mitsukawa
Ingénieur du son : Keiichi Okao
Photo : Masaaki Kita
Design : Takanori Sugii

Nami Records
25/2/2005

"Recommandation spéciale" de mai 2005 de la revue musicale japonaise Record Geijyutsu

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Extrait du livret CD
"Quelques réflexions sur Bach et ses suites pour violoncelle seul"

Par Naoki TSURUSAKI


Il arrive parfois de comparer le violoncelliste à une sorte de Don Quichotte. On peut imaginer maintes raisons à cette comparaison : le poème symphonique de Richard Strauss, ou bien la silhouette quelque peu humoristique du violoncelliste luttant avec son instrument de taille non négligeable, mais il me semble que la métaphore illustre extrêmement bien ce que représente l’exécution des six suites complètes en une soirée. Le défi que constitue cette longue performance d’à peu près deux heures trente n’est en effet pas si éloignée de l’attaque des moulins par le célèbre Don. La raison pour laquelle j’ai néanmoins procédé de cette manière est la suivante.

L’impression de partitions remonte probablement au début du 18ième siècle. A cette époque, il était habituel de publier les œuvres pour musique de chambre et autres formations réduites par série de six pièces. Il semblerait qu’une des conséquences naturelles de cette coutume fut que les compositeurs, consciemment ou non, se mirent a prêter attention à la cohésion des séries de pièces. En ce qui nous concerne, bien que les suites pour violoncelle n'aient pas été publiées à l’époque, elles n’échappent pas à la règle et présentent clairement une attention particulière à la cohésion de l’ensemble. Cette cohésion repose sur l’ingénieuse mise en relation des tonalités des suites. La suite, en tant que forme musicale, est construite sur une seule tonalité et de ce point de vue manque d’une certaine richesse tonale si on l’interprète indépendamment. Ce manque est amplement compensé par l’évolution tonale que l’on obtient lorsque l’on joue les six suites d’affilée. Les tonalités des six suites sont, dans l’ordre, sol majeur – ré mineur – do majeur – mi-bémol majeur – do mineur – ré majeur. Les toniques des trois tonalités sol, ré, et do, reposent sur des cordes à vide, et permettent par conséquent d’obtenir de nombreux effets sur ces cordes. L’insertion du mi-bémol majeur entre ces trois tonalités marque un grand changement tonal que l’on peut qualifier de rupture. Bien que limitée par une tonalité ne permettant pas une libre utilisation des effets de cordes à vide, cette quatrième suite, par la chaleureuse sonorité particulière au mi-bémol, marque un contraste avec le caractère grandiose du do majeur de la troisième suite, et introduit naturellement le do mineur, (ton relatif mineur de mi-bémol), de la cinquième suite. De même, les deux tonalités ré (deuxième et sixième suites) et do (la troisième et cinquième suites), tour à tour reprises en majeur et mineur, sont disposées de manière symétrique par rapport à la quatrième suite, renforçant ainsi le rôle central de cette dernière. Enfin, il est possible de remarquer que si l’on divise l’œuvre en deux parties de trois suites, les tonalités de ces deux parties sont organisées selon la même formule, majeur-mineur-majeur. La tonalité relativement délicate à interpréter de la quatrième suite explique qu’elle soit la moins souvent jouée des six. Cependant, l'exécution de l’intégrale des suites révèle la structure tonale de l’œuvre, permettant une meilleure compréhension du choix du compositeur vis-à-vis de ces tonalités.

Seule la performance de l’intégrale des suites permet d’exprimer la progression qui anime cette œuvre, et c’est pourquoi j’ai naturellement opté pour un enregistrement live. L’autre élément pris en compte dans cette décision est le déroulement interne de chaque suite. L’élan qui nous porte du prélude à la courante avant de se détendre dans la sarabande pour enfin s’accomplir dans la gigue aurait sans doute été perdu dans un enregistrement en studio.

Traduit du japonais par Mattis Rouch